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L'action de Schwendi dans ses communes

Extraits de la thèse de Thomas Nicklas

Dans sa thèse de 1995 Thomas Nicklas décrit clairement l'action caritative de Schwendi dans ses communes, action qui s´est déployée particulièrement après son retrait des hautes fonctions politiques. En voici des extraits :

 

" Quand Schwendi aspirait à son retrait dans la sphère familiale et privée, il ne pensait pas par cela à la vie "inutile" d'un noble campagnard oisif. Après l'échec de sa tentative menée avec énergie d'une vaste réforme de l'Empire, il voyait maintenant plutôt la possibilité de mettre en pratique ses idées d'un bon régiment, à petite échelle, dans le cadre restreint de ses seigneuries.

 

Comme mentionné plus haut, il possédait depuis l'an 1560 la ville de Burkheim située au nord de

Vieux-Brisach; en 1563 ses efforts pour l'acquisition de la seigneurie alsacienne de Hohenlandsberg avec le chef-lieu Kientzheim furent couronnés de succès; en 1572 il s'empara du lieu Kirchhofen en Brisgau ainsi que de la Seigneurie gagée de la ville de

Triberg en Forêt Noire ; en 1573 Schwendi obtint en plus le bailliage impérial de Kaysersberg en

Alsace auquel le château du même nom ainsi que la moitié de la ville de Turckheim et plusieurs villages appartenaient. De nombreux petits biens et propriétés s'ajoutaient encore

à ce petit "Empire" considérable du vieil homme de guerre.

 

Loin de son seigneur féodal résidant à Innsbruck, Schwendi s'attela à réaliser les principes développés dans son discours de 1570 sur place au niveau local.

 

Pour le lecteur de Macchiavelli la religion constituait la base opportune de l'Etat. Elle assurait l'obéissance des sujets, fondait les lois et préservait la morale publique. Pour cela, le seigneur de Kientzheim s'attacha à mieux doter là-bas le poste pastoral afin de gagner " un prêtre vertueux". En raison de la mauvaise dotation financière les habitants de Kientzheim n´avaient recruté comme ecclésiastiques que des "personnes libertines et ignorantes" qui présidaient mal la communauté.

Mais toutes les paroisses devaient être dotées de "prêtres cultivés qui pourraient bien instruire les pauvres". Ainsi on servait l'ordre temporel et évitait le châtiment divin qui frappait les êtres vicieux et à la mauvaise conduite.

 

Dans son régime de guerre Schwendi avait déjà établi le lien évident de son temps entre " la prospérité humaine" et "la crainte de Dieu et une vie chrétienne". L'observations des commandements était un bienfait pour le pays et pour ses seigneurs, leur transgression risquait le châtiment divin. Il était donc du devoir d'un responsable politique clairvoyant de veiller à une vie pieuse du peuple. Comme d'autres autorités civiles de son époque Schwendi intervenait sévèrement contre le blasphème. Il prêtait attention à la fréquentation régulière des offices religieux de ses sujets et combattait la superstition.

 

En outre, ces mesures du Seigneur du Rhin comme la lutte contre l'ivrognerie et d'autres vices répandus, contre les expressions trop brutes de la joie de vivre et les penchants des humains vers le luxe et la richesse, s'inscrivent dans le cadre de la disciplinarisation sociale au début de l'époque moderne.

 

Les "bonnes lois" visant l´intérêt général en maintenant le peuple dans l´obéissance et l´unanimité étaient pour le baron de Hohenlandsberg la deuxième base après la religion et les coutumes...

Il rassembla les traditions juridiques de ses petits pays et la codifia dans les " directives de Schwendi" en intervenant avec précaution et en modernisant les coutumes juridiques selon les besoins de son temps partout où c'était inévitable. En même temps, le baron intervint aussi en réglant la vie économique de ses domaines pour laquelle il conçut un cadre politique. Pour renforcer la vie économique locale, il établit des corporations d'artisans, de paysans et de vignerons à Kientzheim et à Burkheim en fixant dans leurs statuts que chaque confrère devait posséder " un harnais, une carabine et des projectiles". La corporation améliora donc également la puissance défensive des populations locales.

 

Schwendi porta une attention particulière à la promotion du commerce et du développement économique de ses possessions. La promotion de la viticulture lui tint vraiment à cœur; il exhorta cependant ses sujets à ne pas négliger l'agriculture en faveur de la viticulture supposée plus rentable afin de ne pas compromettre l'approvisionnement alimentaire en période de crise.

 

Le baron institua des marchés annuels et hebdomadaires dans ses seigneuries et s´assura de leur animation en permettant aux marchands juifs de faire des affaires bien que toute activité commerciale leur fut interdite dans l'avant-pays autrichien. Comme la relance du commerce demandait des meilleures liaisons de transport, Schwendi mit en place un bac pour traverser le Rhin près de Burkheim. Lui-même l'utilisa lors de ses voyages entre ses terres situées des deux côtés du fleuve.

 

Pour ne pas entraver l'esprit d'initiative de ses sujets par des taxes et autres charges excessives, Schwendi s'engagea à baisser les impôts. Une pétition des habitants de Kientzheim adressée à la cour d'Innsbruck pour obtenir la diminution d'une contribution seigneuriale trouva son appui.

 

Le bon régiment ne devait pas seulement éliminer les obstacles aux personnes honnêtes pour leur épanouissement. Le lecteur de Commynes conscient de sa responsabilité pour ses sujets sentait aussi son devoir caritatif envers les faibles. Le baron s'occupait des pauvres et des familles en détresse du jour au lendemain pour des causes extérieures, il fondait ou rénovait des hôpitaux destinés aux pauvres et malades. 

 

L´Ambassadeur de France à Vienne, De Vulcob, appela Schwendi l´homme le mieux informé de toute l´Allemagne. Ceci était autant pour la dimension politique de l´empire que pour le petit domaine des seigneuries de Schwendi. Dans ce contexte il est significatif que le baron invitait régulièrement les conseillers de Kintzheim à sa table pour être constamment informé.

 

Enfin le chef d´armée en retraite confessa dans son dicours qu´il fallait avoir „ l´épée à la main „ pour protéger la collectivité publique à l´intérieur comme à l´extérieur. Là, il était tout à fait dans son élément. Il était déjà question de Schwendi en tant que promoteur des corporations des arbalétriers. Dans sa seigneurie de Hohenlansberg il mit également en place une milice populaire à laquelle toute la communauté valide appartenait et dont l´ensemble comptait 700 cents hommes. Constatant que la défense de l´État ne reposait pas seulement sur des „ places solides fixes et bien construites“, Schwendi renforça les fortifications dans son petit pays, en premier lieu, la forteresse de Hohenlansberg. Il y fit installer une armurerie importante avec une réserve considérable de pièces d´ artillerie pour faire face aux cas d´urgence.

 

Les contemporains respectaient Schwendi et lui accordaient une grande confiance de sorte que le baron de Hohenlansberg fut souvent demandé comme médiateur lors de litiges… Même en Alsace, sa terre de résidence, les partis en situation de conflits inexplicables s´en remettaient au conseil et l´aide du seigneur de Hohenlansberg. Ainsi le Conseil de Munster dans la vallée grégorienne et l´abbaye située au même endroit menaient une dispute acharnée pour le statut de la petite ville à laquelle l´abbé disputait la liberté impériale et par cela le „ ius reformandi“.

 

À cause des répercutions possibles sur d´autres communes membres de la Décapole alsacienne, le conflit avait une grande importance régionale. Les confrontations se dégradaient quand l´archiduc Ferdinand de Tyrol en tant que Bailli de l´Empire en Alsace se rangea du côté des partisans de l´abbaye. Dans ce contexte difficile, Maximilien II chargea le 15 décembre 1570 Schwendi et le conseil de Haguenau de la médiation. L´ampleur du problème posé se manifestait à travers la durée de la pocédure de médiation. Ce ne fut qu´en mars 1575 que le seigneur de Kintzheim invita les partis en conflit dans sa résidence pour les amener à conclure un accord qui sous le nom de „ traité de Schwendi“, régula durablement les rapports juridiques entre la ville et l´abbaye et assura aux habitants de Munster la confession luthérienne.

 

L´engagement de Schwendi en faveur des citoyens protestants provoqua des suspicions et des calomnies à son sujet à la cour d´Innsbruck tandis que la confiance des citoyens alsaciens en lui augmenta.  Quand la pression de la Contre-Réforme de l´archiduc Ferdinand et de son gouverneur Pollweiler sur la ville impériale de Haguenau se renforça, les opprimés comptèrent sur l´aide du baron de Hohenlansberg. Pour vaincre l´obstination confessionnelle des habitants de Haguenau, Pollweiler avait empêché la justice dans la ville sous un prétexte insignifiant en ordonnant au bourgmestre de ne plus la rendre. Les citoyens firent appel à l´empereur qui installa une commission à son tour pour faciliter un accord. En plus de l´évêque de Strasbourg et du comte Ottheinrich de Schwarzenberg Lazare de Schwendi en fit partie à la demande explicite des citadins. C´est ce dernier qui en 1578 trouva un compromis donnant aux citoyens de Haguenau l´assurance de la confession protestante. Ainsi la tolérance, son voeu le plus cher, fit une percée, la paix et la concorde en Alsace furent maintenues.

 

Sources:

Thomas Nicklas, Um Macht und Einheit des Reiches, Konzeption und Wirklichkeit der Politik bei Lazarus von Schwendi (1522-1583), Matthiesen Verlag, Husum 1995, S. 128 – 133 / Université de Erlangen, Univ. Dissertation 1994, Historische Studien, Heft 442.

 

Autrefois, la forteresse Hohlandsbourg appartenait à Lazare de Schwendi

Armoiries de Lazare de Schwendi élaborées par André Herscher

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